Frères migrants
EAN13
9782021365306
Éditeur
Le Seuil
Date de publication
Collection
Cadre rouge
Langue
français
Langue d'origine
français
Fiches UNIMARC
S'identifier

Frères migrants

Le Seuil

Cadre rouge

Indisponible

Autre version disponible

La poesie n'est au service de rien, rien n'est a son service. Elle ne donne
pas d'ordre et elle n'en reçoit pas. Elle ne resiste pas, elle existe -- c'est
ainsi qu'elle s'oppose, ou mieux : qu'elle s'appose et signale tout ce qui est
contraire a la dignite, a la decence. À tout ce qui est contraire aux beautes
relationnelles du vivant. Quand un inacceptable surgissait quelque part,
Edouard Glissant m'appelait pour me dire : " On ne peut pas laisser passer
cela ! " Il appuyait sur le " on ne peut pas ". C'etait pour moi toujours
etrange. Nous ne disposions d'aucun pouvoir. Nous n'etions relies a aucune
puissance. Nous n'avions que la ferveur de nos indignations. C'est pourtant
sur cette fragilite, pour le moins tremblante, qu'il fondait son droit et son
devoir d'intervention. Il se reclamait de cette instance ou se tiennent les
poetes et les beaux etres humains. Je ne suis pas poete, mais, face a la
situation faite aux migrants sur toutes les rives du monde, j'ai imagine
qu'Edouard Glissant m'avait appele, comme m'ont appele quelques amies tres
vigilantes. Cette declaration ne saurait agir sur la barbarie des frontieres
et sur les crimes qui s'y commettent. Elle ne sert qu'a esquisser en nous la
voie d'un autre imaginaire du monde. Ce n'est pas grand-chose. C'est juste une
lueur destinee aux hygienes de l'esprit. Peut-etre, une de ces lucioles pour
la moindre desquelles Pier Paolo Pasolini aurait donne sa vie.

Patrick CHAMOISEAU




*[5e]: Cinquième
S'identifier pour envoyer des commentaires.