Mirontaine sta leggendo

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Professeure des écoles par correspondance et lectrice passionnée autant en littérature de jeunesse qu’en littérature générale.

roman

Calmann-Lévy

28,70
17 septembre 2012

Je ne connaissais pas les publications de Jérôme Noirez avant de découvrir ce roman. Il a écrit quelques livres pour la jeunesse et a remporté le Grand Prix de l’Imaginaire en 2010 pour Le Diapason des mots et des misères. L’éditeur souligne que « la figure de l’enfant est au cœur de son univers littéraire mêlant humour, tendresse, effroi et grotesque. » C’est probablement la question de l’enfance qui a attisé ma curiosité. L’intérêt de cette rentrée littéraire est d’élargir ses horizons de lecture et de varier les registres.

120 journées comme celles de « Salo ou les 120 Journées de Sodome », film italien de Pier Paolo Pasolini, libre adaptation du livre du Marquis de Sade…voilà ce que m’évoquait le titre avant de me plonger dans les 454 pages. Le roman s’ouvre sur le quotidien de huit collégiens : quatre filles, quatre garçons. Chacun semble avoir son propre caractère et nos huit personnages sont aux portes de l’adolescence. Mais l’adolescence n’est-elle pas qu’une chimère ?

« Parce que toute existence a besoin d’un récit…Ce n’est pas la puberté qui différencie l’enfant de l’adolescent, mais ce soudain déni de récit que les adultes imposent aux enfants quand ils décident de voir en eux autre chose. L’adolescent n’est qu’un enfant privé de récit, Monsieur Duclos… »

Agés de douze à quinze ans, nos huit collégiens vont se réveiller à Silling. Lieu étrange à mi chemin entre le bunker et le camp de redressement où pendant quatre mois, ils devront se soumettre à des rituels étranges. Ils deviendront les spectateurs et acteurs d’une violence singulière et sanglante. Les intentions des personnes qui régissent Silling sont assez floues.

En parallèle du récit de la séquestration, on assiste à la prise de parole d’un conteur radiophonique, qui s’adresse depuis son ordinateur aux collégiens séquestrés. S’instaure alors une rencontre entre fiction et réel où la frontière entre le fantasme et l’horreur devient de plus en plus mince.

Je suis restée perplexe tout au long de ma lecture. J’ai apprécié les passages sur l’éducation et les questions que l’enseignement suscite.

« Je me souviens, adolescent, j’admirais parfois la capacité de mes profs à ignorer le mépris qu’ils inspiraient à la plupart des élèves en levant devant eux un mépris encore plus forcené que le leur. Les cours ont toujours été pour moi une guerre de mépris. Nos professeurs étaient coriaces, difficiles à vaincre, car en plus du mépris, ils savaient nous faire ressentir notre propre démérite. Les enfants, à ce jeu, ne gagneront jamais contre les adultes. Des batailles, oui, des escarmouches, mais pas la guerre. »

A Silling, on laisse les enfants dans leur « crasseuse stupidité ». Les 120 journées défilent, avec les mêmes activités, mimant la routine. Je regrette que le portrait des collégiens n’ait pas pris plus d’ampleur au fil du récit. Ce roman est fort singulier et en le refermant, je ne savais pas trop partager mes impressions de lecture à son sujet. Le fait de clore le roman sur l’initiation au homeschooling ouvre toutes les interrogations possibles sur le système éducatif et c’est probablement ce thème qui aura retenu toute mon attention. Je me suis beaucoup plus attachée au personnage du conteur et de sa fille qu’au destin des huit collégiens.

Roman à découvrir, une sorte d’ OVNI littéraire, je pense même que je le relirai car honnêtement je pense être passée à côté de certaines subtilités.

10,50
17 septembre 2012

Roman de l'attente, celle d'une femme qui attend un homme qui ne lui appartient pas. Les jours se suivent au bord de la plage bretonne. " (…) ici, toute seule, je suis libre, follement libre… Libre de faire ce que je veux, de regarder et d’écouter ce que je veux, de lire quand je veux, autabnt que je veux – j’ai apporté une provision de romans – et de penser à toi, mon amour, de penser à toi : chaque instant est peuplé de toi – même quand je lis -, du désir que j’ai de toi, de nos souvenirs, de nos projets.
Je suis heureuse, tu le sens bien ? Heureuse de t’aimer, de t’attendre. On ne s’ennuie pas quand on est heureux. "

Anne profite de cette solitude pour analyser sa vie. Elle scrute les autres personnes sur la plage et leur invente des vies. " Ces hommes et ces femmes, ces enfants, j’adore les regarder, les écouter, deviner leur histoire. Tu sais combien je suis curieuse (…). Je n’y peux rien : c’est précisément la solitude qui m’a rendue comme telle, qui m’a donné ce besoin de la vie des autres. C’est aussi pour ça que j’aime tant les romans." Bientôt, elle réussira à rompre le silence. Une amitié naîtra avec une autre vacancière. Cette rencontre n'est pas anodine. Marie Sizun évoque avec beaucoup de délicatesse les pensées d'Anne. Le roman offre la quiétude des paysages, le temps qui passe et nous rend plus forts. L'histoire peut paraître triste mais Anne, dans l'attente de cet amant, se révèle à elle-même et le roman s'achève sur une très belle évolution du personnage. Un roman sensible dans le même registre que les romans intimes de Claudie Gallay.

28 juin 2012

Encore un très bon roman balayé par les embruns,au coeur du Pays de Galle.

Moïra, une écorchée vive de vingt-huit ans, se rend chaque jour au chevet de sa soeur Amy, plongée dans le coma depuis cinq ans. Au fil des jours, elle remonte le temps et confie aux lecteurs sa propre histoire. Elle nous éclaire sur la relation difficile qu'elle entretient avec sa cadette. Pour quelles raisons se montre-t-elle si hostile envers Amy? Quels ont été ses choix de vie?

Susan Fletcher met en scène un personnage ambigü, une pseudo-héroïne. Moïra est une jeune femme mièvre, étudiant sans cesse, recluse dans le monde des études et mal à l'aise en société.Face à sa soeur endormie, elle livre sa vie, s'interroge sur ses décisions. Pétrie de culpabilité, elle explique son sentiment de jalousie lorsqu'à la naissance d'Amy, elle fut placée en internat.

Une forme de sagesse se dessine au fil de la narration. Moïra confesse sa vie de femme mariée. Les secrets jaillissent et le thème de la méprise apportent une vivacité au coeur du roman. On assiste à l'éclosion d'une personnalité dans l'analyse fine des sentiments. Les descriptions de la nature et de la mer apportent un souffle sensoriel à cette confidence émouvante.

"Les rêves, Amy. Les rêves que j’ai faits, au cours de ces quelques semaines. Til n’avait pas tort. On n’échappe pas aux rêves, on ne peut pas les laisser sur les draps de son lit quand n se réveille. On peut essayer. Mais ils vous suivent à pas feutrés. Ils respirent, et vous le sentez. Et cela fait peur, ma petite chérie. Ils ne contiennent ni baume ni douceur. Les rêves, si inoffensifs qu’ils paraissent, donnent un sentiment de malaise, quand on se les remémore. On se retourne pour les voir. On en sent les abîmes."

Un très bon roman publié chez Plon en Février 2008, réédité chez J'ai lu.

Éditions Jacqueline Chambon

19,30
25 juin 2012

Celle qui détricotait la vie… Voilà un titre prometteur. Je n’ai pas trop entendu parler de ce livre publié en Janvier 2009 aux Editions Jacqueline Chambon. C’est le roman d’une femme à l’aube des quarante ans, qui se rend compte qu’elle n’a rien compris à la vie.
L’élément déclencheur de cette prise de conscience repose sur la mort brutale de son amie d’enfance Nicole. Florence vit dans l’ombre des siens et sa meilleure amie était une compagne fidèle et solide à ses côtés.


Après la mort de Nicole, sa vie ne change pas en apparence, elle continue à enseigner les mathématiques, s’occupe de sa fille Emma. En réalité on assiste impuissant au délitement de son quotidien. La tentation de vivre à travers autrui perd tout son sens avec la disparition de son âme sœur Nicole.
« Ma vie s'est passée sans moi (…). Elle est menée par des émotions, des sentiments, des pensées qui agissent pour leur propre compte et jouent de moi comme d'un instrument. »
Françoise Baqué raconte ce réveil brutal infligé par la vie. Il est grand temps pour elle d’opérer une reconversion avec l’aide d’Ida, une thérapeute un peu suspecte qui habite Mer, petite ville terne et envoûtante. Ida entreprend de détricoter le passé de Florence jusqu’à la maille défectueuse.
Joli récit d’une lutte intérieure avec ses longueurs parfois mais je souligne la faculté de l’auteur à défaire les histoires personnelles, les dérouler, les démêler…
« Quand on s’est trompé en tricotant, on ne peut pas corriger l’erreur directement, il faut défaire toutes les mailles qui ont été nouées depuis. Or une maille n’a pas d’existence en soi, n’est-ce pas, seuls existent le fil qui la constitue et la volonté qui la forme. »

8 juin 2012

Un samedi après-midi, sur le parking d'Ikéa, la mère de Pierre, notre adolescent narrateur, s'en va. Lui et son père vont devoir apprendre à vivre sans elle et surtout sans explication. Ce roman s'ouvre sur la fuite de la mère. L'histoire est tendre, sensible et drôle à la fois. Le titre et la première de couverture révèlent leur magnifique signification en fin de roman au détour de deux passages des plus émouvants.


La vie de Pierre va basculer après le départ de sa mère, et au fil des pages, nous découvrons les secrets de famille et la perception de l'adolescent narrateur lorsque sa vie routinière se délite. Les portraits sont très intenses, tour à tour vulnérables, sensibles et fragiles.

Le message du roman est très riche de sens. On grandit en même temps que Pierre et on prend plaisir à lire ce roman sur la jeunesse. Parfois, il m'arrive de craindre l'ennui en ouvrant la littérature pour jeunes adultes mais avec ce type de roman, nous sommes très loin de la littérature massive et thématique, qui use et abuse des mêmes codes et registres.

Le texte de Mikaël Ollivier est très délicat et nous livre un très beau message: sortir de sa coquille et surmonter ses peurs pour vivre intensément le présent.

J'ai lu ce livre avec beaucoup de plaisir en écoutant Gnossienne d'Erik Satie.