- EAN13
- 9782374050362
- ISBN
- 978-2-37405-036-2
- Éditeur
- ALCYONE
- Date de publication
- 27/03/2018
- Fiches UNIMARC
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Dans ce très beau recueil, Sébastien Minaux décline les métamorphoses de la nature à travers les saisons. Un “nous” - à la fois personnel et impersonnel - nous invite à le rejoindre et à partager cette fusion intime dans l’êtreté même des choses.
Ce “nous” qui a vocation universelle, ce nous-Témoin, est un grand regard qui enregistre de manière factuelle, minutieuse, conscientisée et néanmoins fusionnelle, la nature protéiforme. Ceci à travers une écriture parfaitement maîtrisée, un rythme juste et des images qui s’enchaînent... pour notre plus grand bonheur !
Silvaine Arabo
POÈMES
SECTION AUTOMNE (1)
Puis se posa l’automne, l’automne en son tendre isolement, sous le feuillage où perle la lumière en grains. Les mots soumis au vent qui saisit nos poitrines, les strophes de l’été sous nos longs pas foulés... Et il y eut alors, à nos moindres matins, sous l’épais chevet de nos songes, comme une remise de peine, l’odeur fumante d’un café pour draper en douceur le premier chant d’un merle bleu.
SECTION AUTOMNE (9)
Il se produit alors, dans les âmes ventées, l’emmêlement des couleurs de l’automne. Il y a du jeu dans l’algorithme des feuilles, une tribulation, et la forêt a ces façons de peintre qui tempête.
Et les branches s’éliment, ouvrant la voie à la lumière et cousant un tapis et rouge et brun et or. La roche granitique, martyr des torsions telluriques, réfléchit quelques grains d’argent, comme la feuille de papier que l’on découvre dans la chambre noire.
Rien n’interdit à ce manège - même la pluie qui s’invite à la fresque - de poursuivre sa course folle. Sa liberté n’est pas assez. Il veut rompre les os de la mathématique du silence. Jusqu’au renversement de l’horizon. Jusqu’à l’épuisement de tout soupçon.
SECTION HIVER (2)
Un vent glacé, sous les très hautes sphères, promène alors son voile blanc et dépose les dépouilles du temps sur l’ossature du réel. La neige dilate ses tarses de harfang sur toutes les surfaces, comme un doigt sur la bouche
réclame le silence. Nous relevons le courrier des morts. Et c’est un chant très doux que l’engourdissement d’une campagne. Sur elle l’oiseau se pose. Le duvet sous la plume en étouffe le bruit.
Alors s’inverse le dessein de l’architecte d’une fleur. Et tel est le paradoxe au fond des prairies sous la neige : l’ambre de l’eau-de-vie vibre précaire dans la gorge, les aiguilles de pin dessinent un semblant d’éternité…
Et les corolles de l’horloge entament grève de leur course.
SECTION HIVER (4)
Et la neige, en son grammage léger, retisse sa page blanche, inouïe, sur les vallons et sur les prés. C’est un monde en sursis qui s’offre sans défense, un écran de pudeur qu’il nous dérange d’effleurer, même d’un frôlement de cils. Le sol adoucit sa respiration sous l’écorce extrudée couleur ventre-de-biche. Et dans l’apaisement nacré d’une aube grise, la récréation des souvenirs…
En notes ténues, régulières, quelques traces de pas sur ce poumon d’ivoire, presqu’immobile, et autour des tâches de sang, éparpillées : le renard a chassé, comme une signature au pied d’un testament.
SECTION PRINTEMPS (3)
Sous l’éclosion muette des nuages, tout un monde s’étire aux caresses de l’eau. Le premier souffle de l’averse est un chant doux, presqu’un poème. Comme un brocart aux ramages d’argent qui dilate nos regards et étouffe nos soupirs.
La pluie qui lave les souillures, les eaux lustrales sur les souches pâteuses des grands arbres, font naître aux marges des sentiers les pupilles dentelées du millepertuis.
Et c’est tout un glissement qui s’opère vers le sol. Eau ! Nomade nourricière au prisme du printemps, tu n’élèves pas les fleurs pour mieux les trahir ! Aux ombres pâles du matin tu promets un déploiement plus soyeux. Et les chemins que tu traces sur nos vitres nous invitent à l’introspection, en écho au pur silence des pierres.
SECTION PRINTEMPS (5)
Au coeur du bois chaque pas est une effraction sur le seuil de l’indifférence. Ici la vie dévoile, dans la chambre d’avril, l’alphabet inversé de notre extravagance. Et la lumière ambrée que tamisent les cimes offre hommage vibrant au manteau de diamants d’une futaie de trembles.
Les prairies aux joues creusées par l’hiver s’habillent d’une barbe légère dont les brins sont les vrilles à l’aisselle des feuilles. Et c’est un chant léger aux oreilles de celui qui entend.
C’est un égarement aussi, sans brume ni boussole. Passé que recompose le printemps, du parapluie nacré de l’angélique à l’ombre de la belladone.
Lentement, un ruisseau coule nos pas dans son lit, son lit de satin bordé de « peut-être », et nous ramène au lac, presque malgré lui. Nos pelles n’ont pas quitté la lune. Et nous les saisissons pour traduire le miroir argenté des pensées vagabondes.
SECTION ÉTÉ (1)
Plus avant, sous les auspices d’un mercure inquiet, d’immenses tournesols expriment leur maintien. Ils s’offrent au soleil jusqu’au dessèchement, dans une attente interminable, un désir inassouvi qui les consume. Quand leur espoir sera déçu, nous cueillerons leurs graines, souvenir presque éteint d’une fleur tubulée. Et sous nos dents, en sourdine, retentira enfin tout l’éclat de leurs coques.
Mais, d’ici là, rien ne presse nos pas sur le trottoir des champs. Le sentier, toujours, nous ramène au lac, par un sous-bois aux nerfs à fleur d’écorce. Nos mains s’attardent sur les lenticelles du sureau. Et nous tentons de lire ce mouvement muet de la peau qui respire.
Sous la voûte d’un chêne, l’horizon devient liquide et la berge s’étoffe d’une mousse tendre. La lumière scintille sur le lac comme les selles d’or du grand large. Et d’une longue sieste nous tirons le trait. Jusqu’à noircir le ciel. Et goûter le délice de la lune qui brise le fil de l’eau, étale ses sels d’argent et imprime sur le lac tous les visages de l’absence.
SECTION ÉTÉ (6)
Le champ a revêtu sa peau de fauve. Nos ombres ne sont pas assez. Des mots s’échangent sous couvert d’un arbre. La quête de nectar affole les insectes. Et le sol épousé de nos nuques confie sa sécheresse.
Chaque branche offre aux fruits l’extrémité de tout son être. Nos lèvres rouges de pavot sont suspendues à l’attente d’une chute. Et la victoire est une histoire d’heures : il nous faut dépasser le goût amer de l’impatience.
Sébastien Minaux, extraits de Le fruit des saisons. Copyright : Editions Alcyone
Silvaine Arabo
POÈMES
SECTION AUTOMNE (1)
Puis se posa l’automne, l’automne en son tendre isolement, sous le feuillage où perle la lumière en grains. Les mots soumis au vent qui saisit nos poitrines, les strophes de l’été sous nos longs pas foulés... Et il y eut alors, à nos moindres matins, sous l’épais chevet de nos songes, comme une remise de peine, l’odeur fumante d’un café pour draper en douceur le premier chant d’un merle bleu.
SECTION AUTOMNE (9)
Il se produit alors, dans les âmes ventées, l’emmêlement des couleurs de l’automne. Il y a du jeu dans l’algorithme des feuilles, une tribulation, et la forêt a ces façons de peintre qui tempête.
Et les branches s’éliment, ouvrant la voie à la lumière et cousant un tapis et rouge et brun et or. La roche granitique, martyr des torsions telluriques, réfléchit quelques grains d’argent, comme la feuille de papier que l’on découvre dans la chambre noire.
Rien n’interdit à ce manège - même la pluie qui s’invite à la fresque - de poursuivre sa course folle. Sa liberté n’est pas assez. Il veut rompre les os de la mathématique du silence. Jusqu’au renversement de l’horizon. Jusqu’à l’épuisement de tout soupçon.
SECTION HIVER (2)
Un vent glacé, sous les très hautes sphères, promène alors son voile blanc et dépose les dépouilles du temps sur l’ossature du réel. La neige dilate ses tarses de harfang sur toutes les surfaces, comme un doigt sur la bouche
réclame le silence. Nous relevons le courrier des morts. Et c’est un chant très doux que l’engourdissement d’une campagne. Sur elle l’oiseau se pose. Le duvet sous la plume en étouffe le bruit.
Alors s’inverse le dessein de l’architecte d’une fleur. Et tel est le paradoxe au fond des prairies sous la neige : l’ambre de l’eau-de-vie vibre précaire dans la gorge, les aiguilles de pin dessinent un semblant d’éternité…
Et les corolles de l’horloge entament grève de leur course.
SECTION HIVER (4)
Et la neige, en son grammage léger, retisse sa page blanche, inouïe, sur les vallons et sur les prés. C’est un monde en sursis qui s’offre sans défense, un écran de pudeur qu’il nous dérange d’effleurer, même d’un frôlement de cils. Le sol adoucit sa respiration sous l’écorce extrudée couleur ventre-de-biche. Et dans l’apaisement nacré d’une aube grise, la récréation des souvenirs…
En notes ténues, régulières, quelques traces de pas sur ce poumon d’ivoire, presqu’immobile, et autour des tâches de sang, éparpillées : le renard a chassé, comme une signature au pied d’un testament.
SECTION PRINTEMPS (3)
Sous l’éclosion muette des nuages, tout un monde s’étire aux caresses de l’eau. Le premier souffle de l’averse est un chant doux, presqu’un poème. Comme un brocart aux ramages d’argent qui dilate nos regards et étouffe nos soupirs.
La pluie qui lave les souillures, les eaux lustrales sur les souches pâteuses des grands arbres, font naître aux marges des sentiers les pupilles dentelées du millepertuis.
Et c’est tout un glissement qui s’opère vers le sol. Eau ! Nomade nourricière au prisme du printemps, tu n’élèves pas les fleurs pour mieux les trahir ! Aux ombres pâles du matin tu promets un déploiement plus soyeux. Et les chemins que tu traces sur nos vitres nous invitent à l’introspection, en écho au pur silence des pierres.
SECTION PRINTEMPS (5)
Au coeur du bois chaque pas est une effraction sur le seuil de l’indifférence. Ici la vie dévoile, dans la chambre d’avril, l’alphabet inversé de notre extravagance. Et la lumière ambrée que tamisent les cimes offre hommage vibrant au manteau de diamants d’une futaie de trembles.
Les prairies aux joues creusées par l’hiver s’habillent d’une barbe légère dont les brins sont les vrilles à l’aisselle des feuilles. Et c’est un chant léger aux oreilles de celui qui entend.
C’est un égarement aussi, sans brume ni boussole. Passé que recompose le printemps, du parapluie nacré de l’angélique à l’ombre de la belladone.
Lentement, un ruisseau coule nos pas dans son lit, son lit de satin bordé de « peut-être », et nous ramène au lac, presque malgré lui. Nos pelles n’ont pas quitté la lune. Et nous les saisissons pour traduire le miroir argenté des pensées vagabondes.
SECTION ÉTÉ (1)
Plus avant, sous les auspices d’un mercure inquiet, d’immenses tournesols expriment leur maintien. Ils s’offrent au soleil jusqu’au dessèchement, dans une attente interminable, un désir inassouvi qui les consume. Quand leur espoir sera déçu, nous cueillerons leurs graines, souvenir presque éteint d’une fleur tubulée. Et sous nos dents, en sourdine, retentira enfin tout l’éclat de leurs coques.
Mais, d’ici là, rien ne presse nos pas sur le trottoir des champs. Le sentier, toujours, nous ramène au lac, par un sous-bois aux nerfs à fleur d’écorce. Nos mains s’attardent sur les lenticelles du sureau. Et nous tentons de lire ce mouvement muet de la peau qui respire.
Sous la voûte d’un chêne, l’horizon devient liquide et la berge s’étoffe d’une mousse tendre. La lumière scintille sur le lac comme les selles d’or du grand large. Et d’une longue sieste nous tirons le trait. Jusqu’à noircir le ciel. Et goûter le délice de la lune qui brise le fil de l’eau, étale ses sels d’argent et imprime sur le lac tous les visages de l’absence.
SECTION ÉTÉ (6)
Le champ a revêtu sa peau de fauve. Nos ombres ne sont pas assez. Des mots s’échangent sous couvert d’un arbre. La quête de nectar affole les insectes. Et le sol épousé de nos nuques confie sa sécheresse.
Chaque branche offre aux fruits l’extrémité de tout son être. Nos lèvres rouges de pavot sont suspendues à l’attente d’une chute. Et la victoire est une histoire d’heures : il nous faut dépasser le goût amer de l’impatience.
Sébastien Minaux, extraits de Le fruit des saisons. Copyright : Editions Alcyone
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