Les joueurs

Stewart O'Nan

Éditions de L'Olivier

  • Conseillé par
    17 juin 2013

    Avant de divorcer et que la clé soit mise sous la porte, Marion et Art un couple d’une cinquantaine d’années passent un week-end aux chutes de Niagara. Cet endroit où ils avaient passé leur voyage de noces. Une idée d’Art qui pense qu’il reste encore une chance à leur couple. Marion n’a plus d’illusions. Aucune. Elle n’a pas digéré l’infidélité d’Art même si elle aussi a failli. Des enfants devenus indépendants, la crise et le chômage qui les a conduit à la banqueroute financière, la maison qui va être vendue d’ici peu. Ils ne leurs restent plus rien.

    Deux jours à passer ensemble dans un hôtel qui possède un casino. Là où on joue : on gagne ou on perd. Marion est sur les nerfs, elle supporte à peine la présence d’Art mais essaie de jouer de se montrer un minimum sympathique, d'acquiescer aux sorties prévues par Art qui l’agacent. Art est venu avec toutes leurs économies pour jouer au casino. La tête remplie de l’espoir de gagner et que tout redevienne comme avant. Deux journées où les tensions, les désillusions sont décrites un sens aiguë du détail.
    Stewart O’Nan décrypte un geste trop rapide ou trop brusque, le ton d’une réponse, des échanges verbaux routiniers. Art s’accroche à l’idée que leur couple a un avenir. Maladroitement il essaie de reconquérir Marion qui se tient sur ses gardes. Face à eux-mêmes, à leurs erreurs, à leurs regrets, la vérité est toujours plus cruelle.

    Des étincelles de complicité apparaissent furtivement car ces petits moments qu’un couple a partagé, construit durant des années sont toujours bien présents. Ce lien même fragile existe bel et bien, aucun des deux ne peut l’ignorer.
    Si Stewart O’Nan nous dépeint sans concession le rêve américain anéanti, ce roman est contrebalancé entre ombre et lumière, désillusions et espoir car rien n’est gagné ou perdu d’avance. Tout simplement bien, très bien !


  • Conseillé par
    10 mai 2013

    Jouer son amour au casino

    C’est un des auteurs américains les plus doués de sa génération. Comme Jonathan Franzen ou Jeffrey Eugenides, entre parenthèses tous deux traduits comme lui chez L’Olivier, il sait ausculter tout un pays à travers une histoire privée, mais Stewart O’Nan possède ce talent si particulier de l’ellipse, de la suggestion, un humour bien à lui, une empathie avec ses personnages et un don pour écrire sur plus âgé que lui. Au cœur de son travail : la vie désertique des femmes de la middle-class.

    Marion a épousé Art qui était amoureux d’elle. Ils étaient jeunes, ils ont eu deux enfants, un garçon et une fille. Marion a voulu une belle maison et Art a travaillé dur pour la lui payer. Puis Art a trompé Marion avec Wendy et Marion s’est battue pour garder son mari, mais ensuite elle n’a plus vraiment su quoi faire de lui. Vingt ans après, il tente toujours de se faire pardonner cet adultère honteux, alors que le souvenir de Wendy, secrètement, le poursuit. Et puis les enfants sont partis vivre leur vie, la crise de 2008 est arrivée, Art a été licencié, Marion aussi, et maintenant il va falloir vendre la belle maison. Ils doivent même divorcer pour tenter de sauver les meubles. Alors les voilà en voyage au Canada, pour jouer au Casino et tenter de se refaire. Les chutes du Niagara, ils y étaient venus quand ils étaient jeunes.

    Drôle de week-end, raté parce que glacial, où chacun réfléchit dans son coin à leur vie de couple et leur jeunesse perdue. S’aiment-ils ? Sûrement, mais ils ne savent plus comment se le dire. Marion se raidit dès qu’Art s’approche. Il a l’impression d’avoir toujours tout raté. Derrière eux, une certaine Amérique, si confiante dans les années soixante et soixante-dix, qui se réveille avec la gueule de bois.

    Ce livre est dans la droite ligne des précédents ouvrages de Stewart O’Nan, presque tous disponibles en poche aujourd’hui. Toujours de merveilleux textes où la subtilité des sentiments est auscultée avec bienveillance par l’auteur, qui ne nous raconte jamais entièrement la vie de ses personnages, en ménageant des zones d’ombre, ce qui lui évite de tomber dans la démonstration, l’explicatif, la surcharge. Dans " Emily " (2012), il se faufilait dans la peau d’une veille dame, qui vivait toute seule dans un lotissement. On se souvient aussi de " Chanson pour l’absente " (2010), qui décrivait avec justesse la vie d’une bande de jeunes coincés dans une banlieue verte et ennuyeuse, et le huis clos de " Les joueurs " n’est pas sans rappeler " Nos plus beaux souvenirs " (2005), quand une mère âgée réunissait pour un week-end ses enfants et petits-enfants dans le cottage familial, juste avant qu’il ne soit mis en vente. Toujours, O’Nan, décrit la fin d’un monde, celui du mythe américain, la vacuité de la vie bourgeoise, la tristesse des couples. Mais il le fait sans aigreur, laissant une chance à ses personnages.

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