Les clandestines de l'histoire, Alice Guy

Catel Muller, José Louis Bocquet

Casterman

  • Conseillé par
    1 octobre 2021

    Alice Guy (1873-1968) fut une pionnière du cinéma. Embauchée par Léon Gaumont, elle suit de très près les frères Lumière et devient la première metteuse en scène du cinéma, dès 1896. Elle est aussi au cœur de la bataille économique entre les divers appareils pour faire du cinéma, inventés ou améliorés par certains qui espèrent se faire un nom.

    Alice Guy ne lésine pas sur les moyens, et réalise un nombre impressionnant de petits films, puis mariée part aux États-Unis continuer ce qu'elle sait faire, la réalisation de films tout en s'adaptant à la rapide évolution du milieu.

    J'ai déjà lu et beaucoup aimé des deux mêmes auteurs les biographies dessinées : Kiki de Montparnasse et Olympe de Gouges (ils ont aussi fait Joséphine Baker). Catel Muller dessine, de ce trait à la fois réaliste et un poil naïf, en noir et blanc qui rend l'ouvrage accessible à tous et réjouissant. José-Louis Boquet scénarise et l'on découvre avec Alice Guy, l'histoire du cinéma. Et surtout que celle-ci n'est pas exclusivement masculine et qu'Alice s'est imposée grâce à son travail et son talent et qu'elle fut reconnue par les plus grands tels Buster Keaton ou Charlie Chaplin. L'ouvrage retrace les balbutiements de cet art, les différentes techniques -sans être lourd-, les difficultés économiques et l'engouement quasi immédiat du public, les premières projections dans des foires... c'est passionnant.

    C'est un gros roman graphique d'un peu plus de 300 pages auxquelles il faut ajouter une chronologie de la vie d'Alice Guy et du cinéma ainsi qu'une fiche sur chaque personnage qui apparaît dans l'histoire. On n'est pas dans une BD qu'on lit et pose et oublie un peu vite, mais dans une vraie biographie que l'on savoure et qui nous instruit et que l'on peut même avoir plaisir à offrir tant le rendu est excellent.


  • Conseillé par (Libraire)
    24 septembre 2021

    REPARER UN OUBLI

    Catel et Bocquet. Bocquet et Catel. Ce n’est pas faire injure à Alice Guy, la sujette de leur dernière BD d’écrire que les deux auteurs sont plus connus que celle qui fait le titre de l’album. En effet après avoir décrit la vie de Olympe de Gouges, Kiki de Montparnasse et Joséphine Baker, ils ont choisi de raconter l’existence d’une autre femme moins renommée mais à la vie aussi riche: Alice Guy. Ils disent des femmes, sujettes de leurs livres, qu’elles sont les « clandestines de l’histoire » parce que ce sont « des femmes qui ont laissé des traces dans l’humanité, mais qui n‘ont pas été retenues - ou partiellement retenues - par la grande histoire ». Kiki raconte l’art moderne, Olympe la révolution française, Joséphine la lutte contre la ségrégation et Alice accompagne les débuts du cinéma.

    On suit Alice de la naissance à sa mort dans une existence où elle manifeste un bonheur de vivre incomparable, loin de toutes les conventions qui régissent notamment les relations hommes femmes. Elle est une femme libre dans un univers naissant, celui du cinéma composé exclusivement d’hommes. Nous assistons avec elle à la naissance du phonoscope, du bioscope, du kinetoscope. Du cinématographe. Elle rencontre Gaumont, Pathé, les frères Lumière dans ce qui est d’abord un phénomène scientifique, puis technique, artistique et très rapidement industriel et économique. Tous ces domaines Alice Guy, qui a débuté comme « employée aux écritures », apprend à les utiliser et devient experte aux avis recherchés, elle qui est si heureuse sur un plateau de tournage:

    « Je pense que les Lumière avec l’arroseur arrosé sont les premiers metteurs en scène. Je ne revendique que le titre de première femme metteur en scène »

    Ce n'est qu'en 1920 qu’une nouvelle réalisatrice apparaitra. Entre temps, Alice se rendra aux Etats Unis, se fera un nom, vendra ses studios avant de revenir à Nice pour devenir, sans réussite, une antiquaire. Connue et reconnue de son vivant, en Amérique notamment, elle passera peu à peu dans l’ombre d’une histoire écrite par les hommes. Elle aura connu de nombreuses blessures intimes, des infidélités, le divorce, des faillites mais cherchera pourtant avant sa mort à ce que son oeuvre subsiste, notamment à travers la rédaction de ses mémoires. Autrice de plus de 700 films, il faudra attendre des décennies avant que des chercheurs et historiens en retrouvent une petite vingtaine et inscrivent son nom dans la chronologie de l’histoire du cinéma.

    Ce volumineux album est de la qualité des précédents. Alice est un personnage attachant, vibrant, énergique, mouvant dans un univers d’hommes guindés dans leurs redingotes. Le dessin de Catel exprime à merveille la joie de vivre et l’énergie de la productrice, auteure, metteuse en scène. On retrouve la capacité à montrer une époque avec un minimum de moyens. Il est fascinant de constater la restitution par le dessin de l’atmosphère d’une rue, d’un plateau de cinéma, cachant derrière une apparente facilité, un travail de recherches et de documentation très important Le trait noir épais et enveloppant s’apparente aux xylographies de Valotton ou de Toulouse Lautrec. Riche en détails, le lecteur s’amusera à dénicher les noms de Catel Muller et Bocquet, disséminés au milieu d’une scène de rue, comme pour faire rentrer les auteurs dans la vie sociale qu’ils dépeignent.

    L’ouvrage se termine par de très riches notices biographiques qui permettent de faire de cette Bd, une référence didactique sur les origines du cinéma.


  • Conseillé par (Libraire)
    24 septembre 2021

    Réparer un oubli

    Catel et Bocquet. Bocquet et Catel. Ce n’est pas faire injure à Alice Guy, la sujette de leur dernière BD d’écrire que les deux auteurs sont plus connus que celle qui fait le titre de l’album. En effet après avoir décrit la vie de Olympe de Gouges, Kiki de Montparnasse et Joséphine Baker, ils ont choisi de raconter l’existence d’une autre femme moins renommée mais à la vie aussi riche: Alice Guy. Ils disent des femmes, sujettes de leurs livres, qu’elles sont les « clandestines de l’histoire » parce que ce sont « des femmes qui ont laissé des traces dans l’humanité, mais qui n‘ont pas été retenues - ou partiellement retenues - par la grande histoire ». Kiki raconte l’art moderne, Olympe la révolution française, Joséphine la lutte contre la ségrégation et Alice accompagne les débuts du cinéma.

    On suit Alice de la naissance à sa mort dans une existence où elle manifeste un bonheur de vivre incomparable, loin de toutes les conventions qui régissent notamment les relations hommes femmes. Elle est une femme libre dans un univers naissant, celui du cinéma composé exclusivement d’hommes. Nous assistons avec elle à la naissance du phonoscope, du bioscope, du kinetoscope. Du cinématographe. Elle rencontre Gaumont, Pathé, les frères Lumière dans ce qui est d’abord un phénomène scientifique, puis technique, artistique et très rapidement industriel et économique. Tous ces domaines Alice Guy, qui a débuté comme « employée aux écritures », apprend à les utiliser et devient experte aux avis recherchés, elle qui est si heureuse sur un plateau de tournage:

    « Je pense que les Lumière avec l’arroseur arrosé sont les premiers metteurs en scène. Je ne revendique que le titre de première femme metteur en scène »

    Ce n'est qu'en 1920 qu’une nouvelle réalisatrice apparaitra. Entre temps, Alice se rendra aux Etats Unis, se fera un nom, vendra ses studios avant de revenir à Nice pour devenir, sans réussite, une antiquaire. Connue et reconnue de son vivant, en Amérique notamment, elle passera peu à peu dans l’ombre d’une histoire écrite par les hommes. Elle aura connu de nombreuses blessures intimes, des infidélités, le divorce, des faillites mais cherchera pourtant avant sa mort à ce que son oeuvre subsiste, notamment à travers la rédaction de ses mémoires. Autrice de plus de 700 films, il faudra attendre des décennies avant que des chercheurs et historiens en retrouvent une petite vingtaine et inscrivent son nom dans la chronologie de l’histoire du cinéma.

    Ce volumineux album est de la qualité des précédents. Alice est un personnage attachant, vibrant, énergique, mouvant dans un univers d’hommes guindés dans leurs redingotes. Le dessin de Catel exprime à merveille la joie de vivre et l’énergie de la productrice, auteure, metteuse en scène. On retrouve la capacité à montrer une époque avec un minimum de moyens. Il est fascinant de constater la restitution par le dessin de l’atmosphère d’une rue, d’un plateau de cinéma, cachant derrière une apparente facilité, un travail de recherches et de documentation très important Le trait noir épais et enveloppant s’apparente aux xylographies de Valotton ou de Toulouse Lautrec. Riche en détails, le lecteur s’amusera à dénicher les noms de Catel Muller et Bocquet, disséminés au milieu d’une scène de rue, comme pour faire rentrer les auteurs dans la vie sociale qu’ils dépeignent.

    L’ouvrage se termine par de très riches notices biographiques qui permettent de faire de cette Bd, une référence didactique sur les origines du cinéma.