Chaque jour est un adieu / Un jeune homme est passé

' Je sursaute à cette seule idée : d'autres gens y habitent, dans notre maison. Et ça reste complètement insupportable. Combien de temps a-t-elle été à nous ? J'avais six ans quand on s'y est installés. J'en avais vingt-cinq à la mort de ma mère, quand elle a été vendue. Pourtant, je n'arriverai jamais à en parler autrement que notre maison. On y a été tellement heureux et parfois, aussi, si totalement désespérés, nous tous, les dix enfants. Et nos parents. J'habite loin de Trans, maintenant, depuis longtemps, mais il m'arrive de repasser devant la maison, en tremblant. Et c'est comme si je brûlais, en approchant de la fenêtre. Parce qu'en même temps que ce bonheur, il y a eu trop de malheur. ' A. R.

Baie de Mont Saint Michel dans l'immédiate après-guerre. Les Rémond et leurs dix enfants s'installent dans la maison de Trans. Alain Rémond trace le portrait d'une famille unie dans ces années 40-50, de ce qui ressemble à un bonheur simple... jusqu'à la révélation brutale d'une réalité bien différente... Et soudain, dans un décor inchangé - la fameuse maison - la belle image familiale se déchire. Et des années plus tard, les cicatrices de ce désastre ne sont pas effacées...

Ce livre n'est pas un roman, c'est un récit. On est donc tenté d'ajouter "autobiographique". Alain Rémond y évoque avec beaucoup de pudeur et d'émotion sa jeunesse en Bretagne. Mais il évoque surtout la perte successive des siens : sa mère, son père, sa soeur. Il ne pleure pas, il raconte pour exorciser ces morts avec lesquelles il tente de vivre : "Je veux vivre en paix avec tous, les vivants et les morts".